Période qui sort de l’ordinaire, guerre, crise sanitaire… Depuis quatre semaines déjà, certains vivent un confinement avec ou sans activité professionnelle, d’autres vivent un enfer professionnel… Le gouvernement a été contraint de prendre des mesures exceptionnelles pour nous permettre de gérer cette situation rarissime.
Et demain ? Un retour comme « avant » est-il possible ? Une nouvelle norme devra-t-elle être définie ? Et qui seront les acteurs de ces choix, de ces adaptations ?
Nous pouvons attendre que « l’État sauveur » nous dicte, à nous responsables d’entreprise comme responsables syndicaux, ce que nous devons faire… Et nous avons surtout la possibilité de prendre la main sur notre devenir social interne.
L’État vient de confirmer un champ du possible exceptionnel, les entreprises se ruent pour mettre en œuvre ce que certaines n’avaient même pas rêvées :
- Pour les secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou la continuité de la vie économique, une durée quotidienne du travail qui peut être portée à 12 heures, un allongement hebdomadaire du travail jusqu’à 60 heures, une amplitude de repos quotidien réduite possiblement à 9 heures, un repos hebdomadaire par roulement…
- Pour toutes les entreprises la possibilité d’imposer la prise de CP, journée de repos conventionnelle, CET… dans la limite de 10 jours
- La mise en œuvre conditionnée d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière jusqu’au 31 août 2020
- Pour maintenir un semblant d’activité professionnelle en travaillant à la maison, un nouveau télétravail ?
- Et des mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement des travailleurs privés d’emploi, notamment : pour les demandeurs d’emploi en fin de droit et les nouveaux demandeurs d’emploi, un élargissement du dispositif de chômage partiel…
Lorsque ces mesures sont mises en œuvre par un employeur il doit en informer le CSE par tout moyen possible, dans certains rares cas une négociation de branche ou d’entreprise doit être envisagée. Raison pour laquelle notre intime conviction est de maintenir a minima et de développer autant que possible le dialogue social par un vrai partenariat avec nos CSE et nos délégués syndicaux.
Faciliter le travail de ceux qui nous sont indispensables, protéger financièrement ceux dont l’activité n’est pas essentielle aujourd’hui ou ceux qui sont « contraints » de garder leurs jeunes enfants à la maison pendant le confinement… la solidarité à la française joue pleinement. Nous sommes des privilégiés, ne l’oublions pas !
Tout ceci n’est que solidarité nationale et fraternité, essentielles à tous surtout en cette période de crise nationale et internationale.
Le temps des contrôles viendra, le temps des comptes viendra… Car cette fraternité n’a de sens que si elle vient au secours des plus faibles… et que les plus forts n’en profitent pas.
Le temps des comptes économiques viendra
Après des annonces sans conditions, faites pour rassurer la population, des précisions arrivent sur les conditions d’octroi de ces aides notamment financières. L’État doit empêcher les effets d’opportunité qui pourraient tenter certains… Tout comme les banques vont favoriser les prêts garantis aux entreprises quelle que soit leur taille, dans la mesure où elles étaient saines ou viables avant cette crise et dans la mesure où leur avenir après crise semble rentable. L’État opérera des contrôles pour légitimement vérifier que l’effort de la nation a été porté au bon endroit et au bon moment.
Le temps des comptes sociaux viendra
De la même manière, les partenaires sociaux de l’entreprise seront légitimes à participer activement et pleinement à la reprise, à vérifier que ce qui est possible en temps de « guerre » ne perdure pas forcément en temps de « paix », et également de maintenir ce qui a été possible en temps de « guerre » alors que cela ne l’était pas en temps normal…
Notre sentiment est que la reprise de l’activité sera source de nombreuses négociations d’entreprise :
- Le travail à domicile ou le télétravail qui ne pouvait se mettre en place que par voie d’accord et qui a été généralisé compte tenu de la situation… Yves Veyrier, le patron de la CGT-FO revendique déjà une négociation nationale sur ce thème.
- Les accords de participation et l’intéressement qui vont être mis à mal compte tenu de la situation.
- Les adaptations du temps de travail et de la pose des CP soit parce que la reprise débute à l’été, soit parce qu’elle perdure après l’été.
- Et également la durée du travail sur les premiers mois de la reprise de manière à ce que celle-ci soit le plus rapide et efficace possible.
- Le manque à gagner de tous ceux qui ont des primes récurrentes qui ne sont pas prises en compte dans le calcul du chômage technique…
- Le niveau de reconnaissance de tous ceux qui ont tout donné pendant la crise sanitaire : en temps de travail, en dégradation des conditions de travail, en dégradation des conditions de vie personnelle (éloignement de leurs familles)…
La marque employeur de chaque entreprise est plus que jamais un enjeu
Les effets de comparaison des prises de décision de chaque entreprise commencent :
- A titre commercial : il suffit que la Fnac annonce la mise en ligne de 500 livres dématérialisés gratuitement pour qu’Amazone en annonce 5000…
- A titre de solidarité : les dons de masques ou bouteilles hydroalcoolique, les financement de respirateurs artificiels, les mises à disposition de repas et chambres pour les personnels de santé, les dons financiers, les changements d’activité d’usine pour participer à cette magnifique solidarité…
- A titre social : la protection des salariés, le maintien des salaires, le versement de « primes Macron », la mise à disposition de cellules d’écoute…
Chaque salarié, chaque consommateur se fera sa propre opinion… et les enjeux tant économiques que sociaux sont énormes pour l’après confinement.
Enfin la santé de chacun restera au cœur de nos préoccupations
Le rôle du CSE et du CSSCT sera essentiel, et là encore comment va-t-on prendre le sujet ?
C’est grâce au dialogue social, à la négociation que tous ces sujets trouveront une solution adaptée à chaque entreprise, chaque environnement… C’est par une écoute réelle, un respect par la prise en considération des avis et des propositions des uns et des autres, un engagement des acteurs sociaux que nous pourrons relever les défis post-confinement.
Pour se faire, le rôle des facilitateurs sera gage de rapidité et probablement de plus de sérénité. Nous préconisons dès maintenant de multiplier les échanges entre partenaires sociaux pour traiter les sujets au fur et à mesure de cette crise et également pour commencer dès maintenant à se projeter et à préparer la suite. Il est souvent plus facile qu’un tiers à l’entreprise mène les débats. Ces facilitateurs peuvent être des médiateurs, des négociateurs, des experts de la relation sociale…. Dès lors qu’ils sont convaincus que le partenariat social est source de performance de l’entreprise.
« Il n’est un luxe véritable que celui des relations humaines » – Antoine de Saint Exupéry